Il n'y a pas de hasard
(Marion à Yann)
Cher amour,
Comme je te l’ai dit, j’ai eu ton courrier (avec les cds, je te remercie infiniment…) seulement hier après-midi. Je viens de rentrer de l’hôpital et je préfère te répondre sans perdre de temps.
J’avais commencé un courrier il y a déjà quelques temps, je vais te le joindre tel quel, excuse-moi l’écriture n’est pas soignée et il y a même les ratures… mais je suis sûre que si tu arrives à me relire, tu me pardonneras.
Il m’apparaît que tu étais déjà une personne très réfléchie il y a plus de 10 ans de cela… et j’ai eu un immense plaisir à te relire. Quant à mes écrits, je m’imagine seulement que ce doit être des lettres très « gamine », tu ne devrais pas les garder !
Je t’ai revu avec plaisir et simplicité ; le même élan que lorsque je t’ai rappelé…
Ce qui me touche aussi c’est de savoir qu’au delà de nos existences, de nos histoires personnelles, nous sommes toujours liés l’un à l’autre.
Cette nuit, je ne ressentais pas la fatigue, j’ai écrit, pensé, lu et me suis endormie vers 3h du matin, sereine.
Mon père entre à l’hôpital demain, l’opération est prévue ce 29… Quand ma mère m’a annoncé la date, au départ, elle s’est plantée d’un mois, perturbée sans doute par la nouvelle…
Donc voilà… nous y sommes. Je n’y pense pas trop, j’ai confiance. Je souhaite lui apporter ma présence et être présente pour lui tant qu’il peut en avoir besoin. Je te tiendrai au courant.
Merci pour tes cds (je passe du coq à l’âne). J’aime beaucoup « Castafiore Bazooka » ! Merci également pour ton rajout de dernière heure (le cd où tu as mis des morceaux de musique très divers) parce que ce genre de cadeaux personnalisés me touchent, m’emportent, me guident (j’ai un doute immense parfois sur l’accord des verbes, je déteste ça !). Je veux être en condition pour découvrir ces cds…
Humm… j’y écoute une magnifique chanson de Léo Ferré, « Ame, te souvient-il ? » tu vois ?…
Je te laisse en compagnie… de moi, le 15 janvier dernier.
Je pense très fort à toi... et t’embrasse tendrement.
« Il n’y a pas de hasard dans la vie ».
Ce soir en voulant rechercher tout autre chose (un document administratif), je tombe sur des courriers de toi datant d’il y a 12 ans. De longs écrits, des réflexions, des pensées, de toi, d’auteurs autres. Je lis des pensées sur l’amour le couple la liberté et je m’enivre de tes mots comme jamais. Pourquoi ? Parce que j’y suis plus réceptive que jamais (ou alors n’avais-je pas assez bien saisi l’opportunité…).
Moi, je ne m’offre plus cette liberté-là d’être seule avec mes pensées et d’écrire.
Et voilà que la fatigue me gagne ! J’aurais dû commencer il y a plus d’une heure, lorsque baignée par ton discours d’il y a plus de 10 ans, c’était comme si tu étais là, et cet état dans lequel je me sentais presque bercée me donnait envie de m’isoler dans les mots, provoquant en même temps quelque chose d’intense en moi, comme nécessaire.
Ma force est d’être là. ENFIN !
Pour dire mon flottement intérieur qui n’est autre qu’une peur immense, la perception nouvelle de ma féminité, ma quête pour y parvenir et m’identifier à ce que je ne sais pas encore que je suis…
Cela prendra le temps qu’il faudra.
Je vais avoir 33 ans dans deux mois. Oui, je suis encore jeune. Pourtant tout ce temps perdu, gâché par ma propre inconscience, mon inconsistance me terrifie aujourd’hui.
J’ai envie d’exister. Exister c’est me révéler autant aux autres que face à moi-même.
Je redécouvre l’amitié.
Je sais que je ne serai « jamais » seule tant que j’arroserai ces graines de toute ma sincérité, de ma fidélité, de ma vérité et j’y tiens tellement ! Alors grâce à VOUS j’explore, j’écoute, j’entends, j’existe, petit à petit.
Vous ne le savez pas mais le temps est un ami. Et les mots que vous dites à moi, ou dans l’absolu, un jour peut-être qu’ils ressurgiront dans un moment de ma vie, quoiqu’il en soit je saurai que c’est comme le bonheur.
Je voudrais me donner toutes les aventures pour percevoir ce qu’est la vie, ce que sont les Autres, les miens ; et ce que je suis, qui je suis, le regard de l’autre, mon regard sur l’autre, son regard…
Le regard m’importe.
J’ai peut-être tout fait pour qu’il me détruise.
Aujourd’hui j’espère qu’il peut m’aider à me construire.
Ainsi je commençais ce texte par « Il n’y a pas de hasard dans la vie ».
Pas de hasard pour les rencontres,
Pas de hasard dans le métier que l’on choisit,
Pas de hasard dans les regards que l’on croise,
Pas de hasard, nous pouvons le décider aussi,
Mais nous l’ignorons souvent et c’est ce magique-là qui ensoleille notre vie (ma vie).
Je n’ai plus sommeil, que des moments de fatigue et la journée je suis épuisée. Je n’y arrive plus. Il y a une leçon que je ne comprends pas. Je veux aller au bout de moi-même. Je souhaite une libération profonde, pas un exutoire ; la pureté, l’envoûtement, le Bien Etre. Celui que je n’ai jamais connu ou aussi lointain soit-il qu’il échappe à ma conscience.
Je redécouvre l’amour.
Lorsque nous nous sommes connus, j’étais une jeune fille en miettes, éparpillée au dedans de moi, pas effondrée puisque rien n’était construit.
Je ne méritais pas ton dévouement, ta patience, ton amour.
Je me souviens de scènes d’une exquise douceur.
Ce sont des images, animées, auxquelles pourtant je ne t’assimile pas complètement. Je veux dire : dans ces images il y a toi mais tu n’es pas que ces images, je n’ai pas d’autres images, le reste est la relation. Ce qui existe entre toi et moi…
Je crois entendre encore
Caché sous les palmiers
Sa voix tendre et sonore
Comme un chant de ramier.
Ô nuit enchanteresse
Divin ravissement
Ô souvenir charmant
Folle ivresse, doux rêve.
Aux clartés des étoiles
Je crois encore la voir
Entr’ouvrir ses longs voiles
Au vent tiède du soir.
Ô nuit enchanteresse
Divin ravissement
Ô souvenir charmant
Folle ivresse, doux rêve.
Charmant souvenir
Divin souvenir !
(Je crois entendre encore -Romance de Nadir-, air extrait de l’opéra « Les pêcheurs de perles », par Georges Bizet)